Si quelqu’un lui avait dit lorsqu’il avait vingt ans qu’il reprendrait l’exploitation de ses parents, Laurent Le Cain ne l’aurait pas cru. Depuis tout petit, il a vu ses parents « trimer » et travailler dur à maintenir leur élevage de volailles de chair. « J’étais pas du tout attiré par ce métier-là. » Il entame donc des études d’électricien et travaille pour des équipementiers au sein de plusieurs entreprises de l’agroalimentaire. En 1991, ses parents partent à la retraite. Laurent a 28 ans, et la question de la transmission de l’exploitation se pose alors. Finalement, Laurent décide de s’installer. Après une formation de six mois en aviculture, il reprend les affaires familiales aux côtés de sa femme. Ils exploitent ainsi 3 000 m² de poulailler sur trois bâtiments, dans lesquels sont élevés des poulets de chair pour le compte de Sanders Bretagne. Auparavant, ils fournissaient le groupe Doux pour sa filière de produits congelés destinés à l’exportation au Proche-Orient notamment. Mais la fluctuation des prix et l’instabilité géopolitique dans nombre de ces pays les incitent à se tourner vers la filière de poulets frais de chez Sanders Bretagne. Les places y sont limitées et les critères de sélection des élevages peu détaillés, mais toujours est-il que Laurent parvient à intégrer le groupe. Cela fait maintenant onze ans.
Le fait de travailler dans la filière fraiche implique malgré tout également des contraintes. Les poulets ne pouvant être congelés ou stockés, une baisse de la demande du marché se manifeste très concrètement par l’allongement de la durée des vides sanitaires dans les bâtiments. Or un bâtiment vide ne rapporte rien. « On reste malgré tout la variable d’ajustement de la filière. »
Depuis son installation, Laurent a été témoin des transformations traversées par le monde agricole sur le territoire fouesnantais.
« Fouesnant était traditionnellement un secteur agricole mais avec de très petites structures. En fait dans les années 60 y avait plein de petites fermes qu’on appelait des pentys ici, qui vivaient on va dire quasiment en autarcie. Ils avaient quelques vaches, quelques cochons qu’ils vendaient, mais ils vivaient plutôt en autarcie pour utiliser pour eux. […] Fouesnant après n’a pas été impacté par le remembrement parce que la commune n’a jamais voulu aller vers le remembrement, donc on a des parcelles agricoles qui sont très petites. Et de ce fait y a beaucoup de parcelles agricoles aujourd’hui qui ne sont pas exploitées. […] Peut-être que la moyenne des parcelles sur Fouesnant est d’un hectare. Des choses qui aujourd’hui ne sont plus concevables en agriculture. Et de ce fait toutes ces petites fermes se sont arrêtées quand les personnes ont disparu. »
Laurent rajoute toutefois que les parcelles ayant un bon potentiel agricole sont cultivées, mais bien souvent par des agriculteurs dont le siège d’exploitation ne se situe pas directement sur la commune. Aujourd’hui, ils ne sont plus que cinq agriculteurs sur Fouesnant, alors que la commune en comptait une vingtaine au début des années 2000. Même schéma à Bénodet, où il ne reste plus aucun agriculteur. Ceci s’explique notamment par le développement d’une urbanisation diffuse sur l’ensemble de la baie, rendant de plus en plus difficile de mener une activité d’élevage en zone littorale. En effet, depuis longtemps déjà la commune s’est tournée vers le tourisme, et s’affiche clairement comme station balnéaire de choix pour les vacanciers de l’été.
Les enjeux fonciers à l’œuvre sur la commune, Laurent les connait bien, puisqu’il travaille en tant qu’adjoint au service urbanisme de la mairie de Fouesnant. « Je suis Fouesnantais pur jus de pomme donc je connais bien la commune. Et ça me parait intéressant justement toute cette organisation des territoires […]. » Malgré les contraintes horaires et le travail supplémentaire que cette fonction génère, Laurent apprécie de pouvoir s’impliquer dans la vie de la commune de cette façon.