Dans le cadre de la Nuit des Idées, à l’abbaye de Beauport, l’agriculture bréhatine a été mise à l’honneur lors d’un plateau radio, l’occasion de donner à entendre la complexité du maintien de l’activité agricole sur une île.
Bréhat est fortement marquée par la saisonnalité, avec une vie de village à la saison froide – 200 à 250 selon les personnes interrogées – et une activité toute entière tournée vers le tourisme et l’organisation d’une vie locale élargie par l’arrivée des résidents secondaires qui va en s’amplifiant à partir des vacances de Pâques. Chaque année, environ 400 000 touristes viennent visiter l’île, souvent à la journée, et plus de 80% des habitations sont occupées par des résidents secondaires.
Historiquement, l’agriculture était une pratique très largement distribuée sur l’île. Avant la seconde guerre mondiale, alors que les hommes étaient à la pêche (à proximité de l’archipel comme dans les pêches au long cours), les femmes cultivaient la terre. Des pratiques d’exportation (de pommes de terres primeur, notamment) et l’agriculture vivrière ont façonné des paysages pelés, peu abrités du vent. L’arrivée d’artistes à la fin du XIXème siècle a rapidement fait de Bréhat un espace remarqué car remarquable, où se sont installés de plus en plus de résidents secondaires. Les arbres et les fleurs ont façonné un nouveau paysage. Au sortir de la seconde guerre mondiale, l’abbé Menguy dénombre une quinzaine d’exploitations. L’orientation précoce et massive de l’économie vers le tourisme réduit peu à peu la surface dédiée à l’agriculture, et le nombre d’exploitations agricoles.
Aujourd’hui, les 5 exploitations (dont une en cours d’installation) ont su tirer parti du tourisme et de la présence de résidents secondaires pour se maintenir sur l’île. Soit en développant une poly-activité tournée vers le tourisme (au sens large), soit en tirant parti de la réputation de Bréhat comme « île aux fleurs », soit en destinant une partie de la production aux touristes. Le maintien de ces exploitations est fragilisé par des contraintes légales (quasi impossibilité de construire des bâtiments agricoles, du fait de la loi littoral), par la vente de terrains à des prix inaccessibles, par un changement d’orientation des terres, par une rétention foncière de la part de résidents secondaires, et par un très fort morcellement du foncier. La taille des exploitations est un indicateur fort des difficultés à maintenir une place sur un espace très urbanisé et convoité : elles font entre 0,5 et 17 hectares, seulement. Pourtant, les conditions pédoclimatiques bréhatines (sols limoneux, douceur du climat) sont particulièrement propices à l’activité agricole. Face à ces particularités, seules des initiatives citoyennes et une volonté politique peuvent participer à redonner du souffle à l’agriculture en constituant des réseaux d’acteurs (locaux ou plus transversaux, comme le RAIA).
Les enjeux associés au maintien de l’agriculture sont pourtant nombreux : maintien d’une vie à l’année sur l’île, maintien d’une biodiversité et de paysages ouverts (lutte notamment contre les friches), cohérence dans les circuits de production, vente et consommation, élargissement des ressources économiques des habitants de l’île. Des initiatives émergent pour développer les activités agricoles sur l’espace, et des discussions s’amorcent à l’échelle de l’île, enchâssant les questions agricoles dans une réflexion bien plus vaste : quel avenir pour une vie à l’année à Bréhat ?
Cette émission radio laisse entendre une partie des enjeux et des intérêts liés au maintien de l’agriculture à Bréhat, mais également sur d’autres espaces littoraux et insulaires.
Cette émission est produite par Radio Activ’
Voir aussi en vidéo, ici
Et dans la presse, ici : https://www.letelegramme.fr/cotes-darmor/paimpol/nuit-des-idees-beauport-laboratoire-a-penser-01-02-2019-12198583.php#vYEQg7WZuRElItBL.99
- Enregistrement : David Morvan
- Animation : Marcus.
Diffusion : 6 février 2019 sur http://www.radio-activ.com/
Elle a été enregistrée à l’Abbaye de Beauport, dans le cadre de la Nuit des Idées, avec Science frictions.
Intervenant.e.s :
- Anne-Laure Auffret, agricultrice en cours d’installation à Bréhat
- Jean-Philippe Outin, président de Fert’île, association impliquée dans le développement de l’agriculture à Bréhat
- Didier Olivry, délégué régional du Conservatoire du Littoral
- Jérôme Cardinal, stagiaire en Master 2 de sciences politiques et anthropologie, membre du projet Parchemins
- Sandrine Dupé, anthropologue, chercheure associée au Muséum national d’histoire naturelle, membre du projet Parchemins pour l’Ireps Bretagne