Rhuys en ses terres : échos des médias
Cela fait bientôt un an que je ne suis pas venue à Rhuys, appelée en d’autres lieux par de nouvelles enquêtes. j’ai hâte de pouvoir partager le fruit des rencontres permises par Parchemins dans les prochains mois : cela concernera largement les relations entre agriculture et question touristique. En attendant, je lis le journal pour rester à l’écoute des échos du lieu. De quoi avoir une idée du regard porté sur le territoire par les médias régionaux et nationaux. Je constate que l’actualité agricole y revient au rythme modéré d’une fois par mois en moyenne, et que la question touristique s’y invite la plupart du temps. Tour d’horizon.
Février : Un article de Paysan Breton, fait le point sur le magasin Court-circuit (entretien avec le paysan boulanger de la ferme La clé des champs). Paysan Breton journal est comme son nom l’indique, un journal spécialisé dans les questions agricoles. Après une présentation du principe du magasin et des bénéfices pour les producteurs (en particulier, le gain de temps pour la vente), le propos touche aussi la délicate équation entre temps d’ouverture, décalage entre été et hiver – en fonction de la fréquentation touristique, et rythme de production :
« Le chiffre d’affaires stagne. Les adhérents s’interrogent : faut-il ouvrir plus souvent ? « Si on ouvre, il faut que la production suive, notamment les légumes frais. Sinon, c’est contre-productif ». Trop petit en été, le magasin est trop grand en hiver. « Mais la clientèle locale est de plus en plus fidèle en hiver ; elle est moins nombreuse en été quand les touristes affluent. Les habitués ne veulent pas attendre, même si nous avons fait des efforts pour développer le libre-service et faciliter le passage aux caisses ». »
Mars :
Suite à un appel à projet pour prendre en charge un vignoble sur Sarzeau, un couple originaire de Savoie avait été sélectionné l’année précédente. Il a finalement abandonné suite à un désaccord économique. L’histoire est relatée par un quotidien régional, le Télégramme. C’est la mairie qui porte le projet sur une parcelle de 10 ha dont elle est propriétaire. L’objectif affiché est de refaire vivre le patrimoine viticole de la presqu’île. Les deux partenaires travaillaient jusqu’ici dans l’accompagnement de la profession agricole. Ils pratiquent la vigne de façon amateur, dans une optique biodynamique et de conservation variétale. Le projet combine culture du cépage local « la folle blanche » et d’une douzaine d’autre pour produire une gamme diverse, certifiée AB, distribuée localement. Accueil agro-touristique (balade en âne) et jardin pédagogique autour de la vigne sont alors aussi prévus. (Le télégramme, 11 juin 2018). L’année suivante, est annoncée l’abandon du projet, sur fond de désaccord concernant le montant des loyers, qui avait augmenté en cours de route.
Mai : L’installation de deux associés en bio à Saint-Gildas de Rhuys est relayée par Ouest France, autre quotidien régional. « Antoine Chaumette, producteur de volailles en chair, et Jean-François Hamon, producteur de plants, ont créé la ferme de Bot-Pénal. » La ferme est située sur des terres appartenant à la commune qui a aussi bénéficié d’une subvention pour la rénovation d’un hangar. L’exploitation combien élevage de volaille de chair en poulaillers mobiles, culture de plans maraichers, et céréales pour les volailles (poulets, poulardes, chapons). Les deux associés exploitaient déjà de plus petites parcelles sur le site du Bindo à Sarzeau, qui faisait office pour eux de pépinière. La migration vers la nouvelle exploitation se fait progressivement et la vente se fera à la Pepiterre qui dispose à présent d’un magasin, et au magasin de producteurs Court-Circuit.
Aout: L’été accueille non seulement les estivants comme chaque année mais aussi un dépôt considéré comme massif d’algues rouges sur les plages de la Presqu’île (d’où le jeu de mot…). Ouest France relaye le sujet. Ce sont les communes qui assurent aujourd’hui le déblaiement et non plus la communauté de commune (qui n’existe plus). La logistique du transport est assurée par des entrepreneurs et les algues sont épandues dans les terres agricoles : « Les trois communes ont fait appel aux camions et aux tractopelles des entreprises Launay et Oillic pour s’occuper du problème. Ces derniers ont pris contact avec une quarantaine d’agriculteurs de la presqu’île. » Le coût total du ramassage, plus de 100 000 euros, dépasse les moyens des communes, qui n’assurent celui-ci que partiellement. L’un des maires évoque la ressource que représentent potentiellement les algues : « une mine d’or de matière première ». (Ouest France, 12 aout 2019). Dans un autre article, c’est le point de vue d’un agriculteur sur la question qui est abordée.(Ouest France, 15 aout 2019, payant)
Un moins plus tôt, en Juillet, c’était l’excès de résidences secondaires qui faisait l’objet d’un reportage détaillé, cette fois un niveau national, par un journaliste de France télévision. Cela fait suite à une série de tags non revendiqués qui dénoncent la forte proportion de résidences secondaires sur la presqu’île et les prix élevés de l’immobilier.
Du côté des détracteurs, on dénonce différentes choses : l’impossibilité pour les jeunes de se loger et notamment pour les producteurs (agriculteurs, sauniers, ostréiculteurs). Le vieillissement des communes associé au fait que les personnes qui s’installent à l’année aujourd’hui sont essentiellement des retraités qui investissent leur ancienne maison de vacance. Le manque de dynamisme des communes en dehors des trois mois d’été. Et le fait que l’orientation du développement local, uniquement vers le tourisme, produit surtout des emplois saisonniers, donc précaires. L’artificialisation massive des terres et la prolifération de lotissements sur les terres agricoles est également pointée du doigt. A ceci s’ajoute l’exigence de propreté des espaces de loisir comme les plages, qui participe à les artificialiser, à en faire des bacs à sable. Le changement des modes de vie est évoqué sous l’angle d’une perte de convivialité, un anonymat qu’amène l’occupation saisonnière.
En face, une critique est adressée aux résidents qui se plaignent alors que ce sont aussi des gens de Rhuys qui se sont enrichis en vendant leurs terres et leurs biens…. Par ailleurs, les arguments en faveur de l’importance des résidences secondaires concernent surtout les impôts locaux que cela apporte, permettant de financer des infrastructures. La question du dynamisme apportée par le tourisme au territoire est discutée : pour les uns, s’il a permis de faire face à la disparition de l’emploi maritime, selon un autre point de vue, d’autres scénarios auraient pu être envisagés.
Enfin, selon l’auteur, cette dynamique s’entretient d’elle même jusqu’à une situation qui s’apparente à un blocage : la difficulté de se loger touche en effet aussi les travailleurs saisonniers, mettant les employeurs du secteur touristique eux-mêmes en difficulté. Par ailleurs, pour pallier au problème, devant l’absence de mécanisme suffisamment contraignant et l’échec des mécanismes incitatifs, les communes sont amenées à mettre en vente des terres ou à construire elles-mêmes pour créer les conditions d’un accès facilité au logement, accentuant l’artificialisation…Le journaliste précise que l’opposition à l’excès de résidences secondaire est un argument que l’on retrouve chez les indépendantistes, et en ce sens le cas du littoral breton pourrait être rapproché…du cas corse.
A lire sur le même sujet (payant) : https://www.paysan-breton.fr/2019/02/a-sarzeau-une-convention-protege-le-foncier/
Marine Legrand
Merci pour cette revue de presse ! L’agriculture de la presqu’ile concentre un certain nombre de points communs avec l’agriculture bréhatine : artificialisation des terres, difficultés à loger les saisonniers, et précarité associée, le caractère structurant du tourisme dans l’économie et les équilibres territoriaux. Des points qui pourront être déroulés un peu plus tard sur le site, ou ailleurs, dans des échanges.
Sandrine D