Aujourd’hui cap plein Nord, direction le lieu-dit de Kerviou. L’exploitation de Ronan Quéméré se situe sur la commune de Saint-Evarzec au Nord de la voie express, à la limite du terrain d’étude de la baie de la Forêt. Ronan s’est installé sur l’exploitation familiale en 1995, après une formation agricole au sein du lycée Le Nivot à Lopérec. Avec sa femme, ils partent faire leur stage de pré-installation de six mois au Canada, dans le but de découvrir des systèmes de production radicalement différents de ceux auxquels ils ont pu être habitués. Ils poursuivent leur voyage aux Etats-Unis. Pendant cinq mois, ils travaillent ainsi dans une exploitation en Californie. Pour Ronan, cette expérience leur a permis d’observer d’ « autres façons de faire », et leur a donné « une ouverture d’esprit intéressante ».
En 1995 donc, il rejoint son père et son oncle, alors associés en GAEC. Suite aux départs en retraite successifs de plusieurs membres de la famille au début des années 2000, Ronan et son épouse décident en 2002 de s’associer, toujours en GAEC. La structure compte actuellement une centaine de vaches laitières de race Holstein, une centaine de bœufs, ainsi que 120 truies. Les bœufs sont directement vendus à l’abattoir de Quimper, tandis que le lait et les porcs sont vendus à la coopérative agricole Triskalia. L’année dernière, ce sont 900 000 litres de lait qui ont été produits. Depuis trois ans, le GAEC a fait le choix d’investir dans deux robots de traite. Sur leurs 207 ha, ils cultivent environ 60 ha de céréales, 60 ha de maïs et gardent 80 ha en herbe. Depuis 2007, Ronan et sa femme emploient trois salariés.
En parallèle, Ronan s’est engagé au niveau professionnel en tant que Président de la caisse locale du Finistère sud de la compagnie d’assurance Groupama. Il est également Président pour la zone de Quimper au sein du GDS (le Groupement de Défense Sanitaire), un organisme de statut associatif créé par les éleveurs, et qui a pour vocation d’améliorer la qualité sanitaire des élevages.
Dans les années 80, Saint-Evarzec comptait entre 70 et 80 exploitations. Aujourd’hui, il ne reste qu’une vingtaine d’agriculteurs. Le nombre d’exploitations diminue au gré des départs en retraite ou des cessations d’activité pour raisons économiques. « Moi depuis que je suis installé, j’ai repris quatre exploitations… […] Donc des gens qui avaient une petite structure, entre 15 et 20 ha ». Pourtant, Saint-Evarzec reste une commune encore relativement agricole. Ronan constate que le nombre d’agriculteurs diminue encore plus rapidement sur les communes côtières, telles que Fouesnant, La Forêt-Fouesnant, ou encore Clohars-Fouesnant, où les terrains sont mobilisés par les propriétaires fonciers dans le but d’y construire de nouvelles habitations. « Ça a un impact en termes de nombre d’agriculteurs, ça diminue sérieusement. »
La question du foncier se pose malgré tout ici aussi. Des nombreuses zones d’activités ont émergé au fil des ans de part et d’autre de la quatre-voies. La zone d’activités de Troyalac’h constitue le poumon économique de la commune, et a de sérieuses implications pour l’activité agricole :
« En termes d’emprise foncière ça rogne au fur et à mesure un peu de surface. Et comme nous on est tout en périphérie ben…Pour l’instant on a été épargné parce que y avait une exploitation qui avait arrêté y a une vingtaine d’années presque, sur laquelle la communauté de communes avait investi pour reprendre l’exploitation au complet et pour reprendre ce foncier-là pour développer un peu. […] Ils sont en cours de développement sur d’autres terres autour de cette zone-là à nouveau. Là y a aussi un impact au niveau des exploitations. »
Un grand nombre d’exploitations sont aujourd’hui parvenues à saturation, c’est-à-dire que l’ensemble des outils sur la structure sont utilisés au maximum de leur capacité. Jusqu’à présent, les élevages qui ont arrêté leur activité ont été repris via l’agrandissement d’autres structures. Mais pour Ronan, le niveau de saturation des élevages aujourd’hui est tel qu’il semble peu probable que les futurs départs en production animale entrainent la reprise des structures et des terrains délaissés par d’autres exploitations. Or, au vu de l’âge moyen du « capitaine » aujourd’hui dans les exploitations, les départs à la retraite s’annoncent nombreux dans les dix prochaines années, ce qui laisse envisager une baisse de l’activité d’élevage sur la zone, au profit d’une part de cultures plus importante.
A l’instar de la plupart des agriculteurs que nous avons pu interroger, Ronan constate lui aussi le développement ces dernières années de ce qu’il désigne comme une « micro-agriculture », une agriculture privilégiant les circuits-courts, souvent bio, et se développant sur de petites surfaces de quelques hectares. En production animale, il observe le développement d’ateliers de transformation, de la part notamment des élevages laitiers. Pour Ronan, cette évolution traduit une demande locale pour ces produits, notamment en bord de mer où l’afflux touristique offre des débouchés importants pour ces types de production. « Par rapport à cette agriculture de zone dite littorale, je pense qu’on va arriver à deux types de situation. C’est-à-dire soit de la grande culture pour d’autres élevages qui sont un peu plus entre-guillemets à l’intérieur du littoral, ou alors carrément des petites exploitations orientées en circuit-court et à destination du grand public et des touristes locaux. »