Journée d’étude Agriculture et littoralité: enquêter, décrire, partager – Rennes, Agrocampus Ouest, mercredi 19 février 2020
Le programme Paroles et chemins de l’agriculture littorale est entré dans sa dernière année : la formalisation des connaissances acquises, la réflexion sur les cadres d’analyse et les méthodes les mieux à même de rendre intelligibles les dynamiques agro-littorales occupent une place croissante dans les activités déployées au sein de Parchemins.
Cette journée d’étude intervient au moment où plusieurs perspectives de publication collective se dessinent. L’objectif est donc double :
- Appuyer le travail des auteurs en soumettant les projets de publication à un regard à la fois informé et amical, en mobilisant l’expérience de l’équipe mais également celle de collègues extérieurs et partenaires
- Faire dialoguer les publications entre elles et nourrir la démarche d’ouverture interdisciplinaire recherchée dans Parchemins
Le principe retenu est d’alterner, au cours de la journée, les discussions d’articles portés par des membres de l’équipe scientifique de Parchemins, et des présentations d’intervenants extérieurs qui travaillent sur des problématiques proches.
N’hésitez pas à nous rejoindre! L’inscription est gratuite, mais obligatoire. Elle est ouverte jusqu’au 31 janvier prochain, au lien suivant: https://framadate.org/AxHIVWNQQEGuBMnb.
PROGRAMME
9h-9h30 : Accueil – café
9h30-10h : Introduction – panorama des travaux en cours et présentation du déroulé de la journée
Alix Levain (CNRS, UMR AMURE)
10h-11h: Farming on the seaside: a framework to capture dominant patterns and features of coastal agriculture
La présence et les formes de l’agriculture dans les espaces littoraux ont profondément évolué au cours du XXème siècle. A la différence d’autres agricultures d’interface, comme l’agriculture de montagne ou l’agriculture périurbaine, elle a rarement fait l’objet de travaux scientifiques spécifiques et n’est pas, aujourd’hui, pensée comme une catégorie descriptive ou d’analyse des systèmes de production. L’enjeu de cet article est de questionner la pertinence d’une telle catégorisation, à partir de données empiriques collectées dans le cadre du programme Parchemins, d’indicateurs contextuels mais également d’une analyse systémique questionnant les formes, la profondeur et la continuité de l’influence maritime sur les activités agricoles. En prenant appui sur la notion de configuration agro-littorale, il montre qu’il existe bien des traits spécifiques de l’agriculture littorale, qui ne peuvent se saisir qu’au travers de la compréhension intégrée et historicisée de ses interactions avec le littoral en tant que territoire, et pas seulement en tant que milieu.
Coordination de l’article et présentation : Valérie Viaud (INRAE, UMR SAS)
Discutants : Chantal Gascuel (INRAE, UMR SAS), Jérôme Sawtschuk (UBO, EA 7462 Géoarchitecture)
11h-12h: Diversity: a way to maintain agriculture in an attractive coastal territory (France)
Issues such as tensions between and coexistence of agriculture and other activities or land users have been studied in periurban and island areas. Agriculture has evolved to meet specific requirements of these areas: services such as providing food, especially local food, agrotourism services, ecological and environmental concerns and practices and “greener spaces”.
In the areas where agriculture is declining, strategies emerged to maintain or develop it, such as diversifying production systems or agricultural activities, which follow different development rationales and are driven first by the areas’ agricultural characteristics.
In this study, we hypothesize that specific pressures and dynamics of attractive coastal areas (touristic and residential) contribute to the development of specific agricultural features, such as internal and external diversity, ecology-oriented practices and a high degree of inclusion in local markets and social life. To test this hypothesis, we studied a small coastal area in Southern Brittany (the Rhuys peninsula, Western France) and drew a portrait of its agriculture using statistics and an agricultural survey. We also collected data using an ethnographic survey to understand agricultural changes from the perspective of local farmers and other local actors. We analysed farm practices, the farms themselves and the diversity of agriculture at the peninsula scale in response to driving forces of the area. We investigate the following questions: What are the key features of agriculture in this coastal area, and is diversity one of them? Can we observe a trend for the greening of agriculture? Does tourism drive certain local food supply chains or agrotourism opportunities? To what extent do tensions about land and coexistence of farmers and tourists or residents influence agriculture?
Coordination de l’article et présentation : Virginie Parnaudeau (INRAE, UMR SAS)
Discutante : Françoise Vertès (INRAE, UMR SAS)
12h-13h : Quelles trajectoires des prairies de l’estuaire de la Loire ?
Par Jérôme Sawtschuk, MCF en aménagement de l’espace et urbanisme à l’Université de Bretagne Occidentale, EA 7462 Géoarchitecture
Les marais de la plaine inondable de la partie estuarienne de la Loire sont aménagés dès le Moyen-Âge avec des canaux et des douves gérés par des vannes. Ce réseau hydraulique régule les inondations et permet le développement d’une agriculture d’élevage toujours bien présente dans l’estuaire. À partir du XIXe siècle, plusieurs phases d’aménagements sont menées pour faciliter le transport maritime provoquant une transformation profonde de la morphologie et du fonctionnement hydro-sédimentaire. L’implantation des sites industrialo-portuaires entraîne l’artificialisation et l’urbanisation des secteurs amont et aval de l’estuaire.
Des travaux d’analyse cartographique diachronique des prairies de l’estuaire mettent en évidence une dynamique importante des communautés végétales ces dernières décennies. Ces évolutions ont pour origines principales les changements hydro-sédimentaires et les modifications des activités locales (agriculture, chasse). L’analyse des dynamiques passées, croisée à des modèles hydro sédimentaires, contribue à la compréhension des trajectoires de ce socio-écosystème littoral. Ces résultats peuvent être mobilisés dans une démarche prospective pour anticiper les effets des changements globaux, notamment sur l’agriculture.
13h-14h : Buffet
14h – 15h : Ce que l’intention de mise en partage des données fait aux pratiques des chercheurs en anthropologie
La recherche publique est aujourd’hui traversée par des injonctions multiples à l’ouverture, qui se matérialisent à la fois par des obligations juridiques, des incitations des financeurs lors des appels et évaluations de projets de recherche, la mise à disposition par les tutelles d’infrastructures de publication de données et d’une offre spécifique de formation à destination des équipes de recherche.
Le travail de mutualisation et de publication des données qualitatives collectées dans le cadre du programme interdisciplinaire Parchemins peut être lu, dans ce contexte, comme une tentative pour apprivoiser et donner sens à ces injonctions, tentative portée par un idéal de co-construction des connaissances et de réduction des asymétries entre savoirs scientifiques et savoirs d’expérience. Cet article décrit comment l’équipe d’anthropologues du programme a composé, tout au long de ce processus, avec une série de tensions qui mettent à l’épreuve leur rapport aux données qu’ils produisent, aux personnes et situations qui en sont à l’origine, et à leur métier-même. A l’issue d’une expérience de trois années, il montre les déplacements de pratiques observés et propose une relecture des enjeux contemporains d’ouverture de la science à l’aune de l’éthique de la relation enquêteur-enquêté et du lien entre paradigmes scientifiques et instrumentation des disciplines.
Coordination de l’article et présentation : Florence Revelin (INRAE, UMR LISIS)
Discutant : Jules Hermelin (EHESS, CMH)
15h-16h : Vers une agriculture sans ruralité ? La renégociation de la place de l’agriculture sur l’île de Bréhat (1945-2019)
Cet article se propose de mettre en avant les effets de la littoralité, exacerbés par le contexte insulaire, sur l’inscription socio-spatiale et socio-historique de l’activité agricole à Bréhat, depuis la seconde moitié du XXème siècle. Si l’agriculture s’est radicalement transformée depuis la fin de la seconde guerre mondiale en France, le contexte insulaire bréhatin produit des configurations spécifiques qui font rapidement de l’agriculture une activité marginale. C’est en procédant par une remontée d’échelle que nous envisageons la place de l’agriculture à Bréhat comme une traduction localisée de phénomènes plus macro-sociaux, teintée par les configurations sociales spécifiques du territoire et les rapports sociaux qui s’y jouent. Le premier pacte territorial s’étend du sortir de la seconde guerre mondiale jusqu’aux années 1960. L’agriculture, activité essentiellement féminine, est vivrière, en même temps que l’exportation de pommes-de-terres primeur constitue un revenu d’importance pour les familles. Au tournant des années 1960, l’arrivée de nouveaux capitaux sur l’île et de nouvelles politiques agricoles nationales déstabilisent cet équilibre. Les difficultés répétées à s’inscrire dans une déterritorialisation de la production alimentaire, doublées d’un fort recul des terres agricoles au profit de la résidentialisation, marquent une seconde période, qui s’étend jusqu’au début des années 2010. Enfin, dans un contexte d’écologisation, la dernière décennie voit se redynamiser et se re-densifier l’agriculture, en même temps qu’elle est mise en débat publiquement. Il n’en demeure pas moins que les rapports de force et la distribution du pouvoir pré-existants sur l’île circonscrivent la place que ces retours de l’agriculture peuvent prendre sur l’île.
Coordination de l’article et présentation : Sandrine Dupé (IREPS – MNHN, Laboratoire d’Eco-anthropologie)
Discutante : Mélanie Congretel (Université Rennes 2, UMR ESO)
16h-17h : Appréhender les transformations agricoles dans les îles du Ponant : une approche sociologique en construction
Par Naïla Bedrani, doctorante en sociologie à l’UMR ESO (Université Rennes 2)
Dans le cadre d’une thèse CIFRE initiée en novembre 2018 et accueillie par l’association Réseau Agricole des Iles Atlantiques et le laboratoire ESO-Rennes, cette communication est l’occasion de faire un point d’étape sur notre cheminement de recherche pour appréhender les dynamiques agricoles dans les îles de la façade atlantique française et leurs facteurs explicatifs. Alors que la littérature académique et une première série d’enquêtes exploratoires font état, à la fois du long déclin de l’agriculture dans nos territoires d’étude et de grandes difficultés structurelles et sociologiques à son redéploiement, nous constatons depuis une vingtaine d’années une stabilisation, voire une reprise de la démographie agricole ainsi qu’un certain intérêt des sociétés insulaires pour cette activité.
Nous souhaitons explorer les ressorts de ce paradoxe en interrogeant les transformations des outils de production et des agriculteurs en contexte insulaire contraint. A travers l’étude de trajectoires socioprofessionnelles, nous envisageons de caractériser les systèmes socio-techniques dans lesquels se déploient ces activités agricoles et d’analyser les ressources et stratégies mobilisées par les acteurs dans le but de créer, maintenir ou développer leur outil de travail agricole sur une île. A l’occasion de cette communication, nous nous proposons de discuter : 1) les notions conceptuelles que nous envisageons de mobiliser pour répondre à notre problématique, telles que les identités et les segments professionnels ou encore les notions d’autonomie et adaptation 2) le cadre d’analyse en cours de construction que nous projetons de mobiliser.
Discutant : Quentin Toffolini (VetAgrosup, UMR Territoires)
17h-17h30 : Synthèse des échanges
Informations pratiques :
Agrocampus Ouest, 65-67 rue de Saint-Brieuc, RENNES
Bâtiment 24
Salle des 5ème année