Vache de race Holstein en pâturage sur la Lieue de Grève. Crédit photo : Damien Letessier
Lancé au mois de mars et courant jusqu’au mois d’août 2019, mon stage de fin d’étude à pris place sur le terrain d’étude de la Lieue de Grève. S’inscrivant au coeur du programme Parchemins, il a eu pour ambition de conduire une enquête ethnographique auprès du monde agricole du site étudié.
Le programme Parchemins s’intéresse aux particularités et les transformations de l’agriculture en questionnant l’existence d’une « agriculture littorale ». Cela implique de se pencher sur les multiples délimitations, à la fois biophysiques et sociales, des espaces littoraux. Ce stage visait, à partir d’entretiens avec des agriculteurs et agricultrices, principalement, mais également d’acteurs engagés dans l’accompagnement ou la mise en débat de l’activité agricole, de comprendre comment l’agriculture s’inscrit dans le territoire, la nature et l’intensité des relations sociales qui se nouent autour de cette activité, en analysant l’expérience vécue des changements qui l’affectent à l’aune de la proximité du littoral. L’hypothèse principale retenue est que le facteur de proximité avec le littoral crée des conditions spécifiques au déroulement de l’agriculture et que ce littoral va fournir un lieu d’émergence de nouveaux espaces et relations. La parole des agriculteurs et agricultrices travaillant en zone littorale a donc été mise en valeur dans ce travail à travers les entretiens menés.
Le site Parchemins de la Lieue de Grève (Côtes d’Armor) a été choisi pour réaliser cette étude : le caractère précoce de l’apparition des proliférations d’algues vertes sur le littoral, et l’ampleur de ces dernières l’on mis en avant depuis une quinzaine d’années sur la scène scientifique. Il constitue un territoire pilote et précurseur dans la prise de conscience des pollution littorales. Il demeure à majorité rural, spécialisé dans un élevage presque exclusivement bovin, et orienté historiquement sur la production laitière. Cette agriculture n’est pas la plus emblématique du fameux « modèle breton » ; elle va faire l’objet, dès les années 1990, d’une gouvernance territorialisée des changements vers des systèmes à basses fuites de nutriments. Sur ce territoire, existe un dialogue ancien entre les collectivités locales et la profession autour des enjeux environnementaux. Les marées vertes y constituent l’élément le plus visible de l’activité agricole sur les côtes. Ce problème joue un rôle important dans la façon dont l’activité agricole évolue, est vue et se voit.
La collecte de données ethnographiques s’est faite durant deux mois d’enquête sur la Lieue de Grève, entre mars et mai 2019 : des entretiens semi-directifs, des observations, les archives de délibération municipales des commune côtières du site, de photographies du site d’étude composent le corpus final. La parole des agriculteurs a été récoltée grâce à 29 entretiens, en recherchant une diversité maximale de systèmes, d’orientations de production, d’exploitations, de profils, d’implantation géographique. Les observations et l’analyse d’archives ont permis de situer les changements agricoles dans le temps et dans l’espace, et les photographies à mettre en image le terrain et ses spécificités. La période de terrain a été suivie d’une phase d’indexation des données, en vue de leur publication dans le catalogue Parchemins, et d’analyse des entretiens, à l’aide d’une grille d’analyse commune aux différents sites d’étude de Parchemins, complétée par une grille propre à ma problématique.
J’ai orienté mon regard vers l’écologisation de l’agriculture et l’impact de la présence du littoral dans les transformations du milieu agricole. Ma question de recherche principale était de cerner l’influence des dynamiques littorales sur les processus d’écologisation de l’agriculture.
Les résultats ont montré que la littoralité est génératrice d’une orientation particulière prise par l’agriculture sur la Lieue de Grève. C’est à travers cet espace littoral qu’est principalement interrogée et organisée la gouvernance locale de l’agriculture. Celle-ci met en avant le bon état écologique du littoral et de la ressource en eau qui alimente la baie. La relation opposant mer et terre structure pratique, un espace socio-écologique « d’interrelations où chaque élément influe sur le devenir de l’autre » (Secula, 2011 : 4). On peut donc envisager le littoral comme un espace où se confrontent de divers acteurs du territoire, dans des lieux spécifiques d’échanges et de luttes. L’agriculture et le littoral co-construisent le visage contemporain de la Lieue de Grève.
Cet espace est investi de multitudes de représentations, dont la diversité complexifie la gestion, et qui peut être appréhendé comme un front écologique (Guyot, 2006) et dans lequel sont pris les agriculteurs et agricultrices. Cet espace mouvant et très instable est la matérialisation socio-spatiale des processus d’écologisation qui ont lieu sur la Lieue de Grève. Le littoral vient obliger des négociations environnementales dans lesquelles doivent s’inscrire et se faire entendre les exploitants agricoles, devenus les principaux protagonistes de ce front écologique.
Pour aller plus loin, vous pouvez retrouver ce mémoire sur la page « Publications scientifiques » : Letessier D., 2019. L’écologisation de l’agriculture, quelles contributions des dynamiques littorales ? Mémoire de Master 2 Ethnologie et métiers du patrimoine. Université Paul Valéry, Montpellier III, 190 p.