Jean-René Cotten est le premier éleveur laitier que je rencontre. Depuis près de trente ans maintenant, il élève ses vaches brunes sur la commune de Saint-Yvi, avec l’aide de sa sœur Annie Cotten.
Son engagement sans faille pour une agriculture paysanne locale a pris racine alors qu’il était membre de la JAC (Jeunesse Agricole Catholique). Cette organisation aura donné une « identité à [son] existence », ainsi que des valeurs qu’il défendra par la suite [pour en apprendre davantage sur la JAC, vous pouvez écouter le portrait radio de Pierre Cornec, bientôt disponible sur ce site].
A tout juste vingt ans, il entre en tant que représentant élu au sein de la Chambre d’agriculture du Finistère. Mais des structures économiques telles que les coopératives ne correspondent pas à la vision qu’a Jean-René du développement agricole, dans la mesure où selon lui elles placent l’agriculteur dans une situation de forte dépendance et limitent sa marge de manœuvre. Petit à petit, il s’intéresse à d’autres modes de développement, notamment tournés vers l’agriculture biologique, largement minoritaire à cette époque. C’est dans cette perspective qu’il pose les bases d’une antenne de la Confédération Paysanne dans le Finistère, dont il sera le Président pendant plusieurs années.
Avec André Pochon, bien connu dans le milieu agricole pour ses recherches sur le trèfle blanc, il est également à l’origine de l’implantation du réseau CIVAM (Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et Milieu rural) en Bretagne dans les années 80. Rapidement, Jean-René devient même un administrateur national du réseau, ce qui lui vaut de nombreux allers-retours entre Saint-Yvi et Paris. Après de nombreuses années de ce rythme effréné, Jean-René délaisse progressivement ses engagements syndicaux et autres pour se consacrer pleinement à sa famille et son exploitation.
Faire le choix de l’agriculture biologique à l’époque n’était pas chose aisée. Mais ce « doux rêveur » – tel que certains auront pu le décrire dans un premier temps – parviendra à ses fins en créant la première filière laitière bio à Quimper au tout début des années 90. Depuis cinq ans, il s’est même lancé dans un atelier de transformation sur son exploitation, destiné à la fabrication de yaourts (testés et approuvés par mes soins pour les besoins de la recherche, cela va sans dire). Cette nouvelle étape s’inscrit dans la démarche défendue par Jean-René de valoriser un produit de qualité : le lait. Cette qualité se retrouve dans le sol, la plante, l’animal, et dans le produit fini que sont les yaourts. « Quand je respecte la terre, je respecte l’Homme aussi ». Pour lui, le métier de paysan c’est avant tout de bien nourrir les gens. Leur bonne santé passe par la qualité des produits qui leur sont proposés.
Pour cette raison, Jean-René destine ses yaourts aux cantines scolaires des bourgs alentours, ainsi qu’à l’hôpital de Quimper, des lieux où la qualité des aliments servis, bien qu’essentielle, y est bien souvent négligée. D’autre part, ces partenariats avec les écoles sont l’occasion d’organiser des visites des enfants sur la ferme, et de rencontrer les enseignants, ce qu’apprécie énormément Jean-René. Ces échanges lui font aussi prendre conscience du fossé qu’il peut parfois exister entre la perception que peuvent avoir certaines personnes du monde agricole et la réalité du terrain.
Les yaourts sont également proposés à la vente directe sur le marché de Fouesnant le samedi matin. A travers le contact direct avec le consommateur et la reconnaissance de la qualité des produits proposés, c’est aussi leur métier et leur travail en tant qu’agriculteur qui est valorisé.
Il me semble également nécessaire d’évoquer ici les paroles, certes moins heureuses mais cependant importantes, que m’a tenues Jean-René au cours de notre entretien. Car si de manière générale il aura réussi à mener à bien son activité agricole tout au long de sa vie, il n’en est malheureusement pas de même pour tous ses collègues et voisins. Au cours de sa carrière, Jean-René aura été plusieurs fois confronté à des situations personnelles difficiles, pour ne pas dire dramatiques.
A travers le récit de ces drames, je perçois la douleur de cet homme de ne pas avoir toujours réussi à venir en aide à ces agriculteurs et agricultrices qui se retrouvaient dans des situations de précarité extrême. Il regrette que beaucoup n’osent pas dévoiler leur misère et leur détresse. « Les oiseaux se cachent pour mourir » me confie-t-il avec un sourire triste. Pourtant me dit-il, il y a de la place pour tout le monde, et le monde agricole a aujourd’hui besoin de jeunes qui s’installent.
C’est d’ailleurs ce que comptent bien faire Anne-Hélène et Florent. En effet, après quelques années passées en dehors de l’exploitation familiale, les deux enfants aînés de Jean-René sont aujourd’hui revenus à la ferme et se préparent à reprendre la suite en janvier prochain. Même si pour Jean-René la retraite approche à grands pas, la relève est là, sereine et déterminée.
Vous pouvez tout de suite retrouver le portrait radio consacré à Jean-René Cotten…
Portrait – Tout ça dans un pot