Le terrain d’étude de la baie de la Forêt a ceci de particulier qu’il présente un large éventail de systèmes mais aussi de types de production agricole. La production cidricole en fait partie, et est même devenue un élément emblématique dans le paysage agricole du pays fouesnantais. Les communes de Fouesnant et de La Forêt Fouesnant notamment sont connues pour la qualité de leur cidre. Difficile dans ces circonstances de ne pas rencontrer ne serait-ce qu’un producteur de cidre…
Claude Goenvec a été l’un des premiers cidriers à s’être lancé à Fouesnant. Il a grandi sur la ferme où il vit encore aujourd’hui, et sur laquelle ses arrière-grands-parents, puis ses grands-parents ont vécu toute leur vie. Après des études au lycée agricole de Bréhoulou, Claude travaille en tant que paysagiste pendant trois ans, avant d’être recruté au sein du syndicat du contrôle laitier du Finistère, où il reste quatorze ans. En 1989, il quitte son emploi et revient sur la ferme familiale où il lance une activité de production de cidre. Son père était instituteur. Il est le seul de la famille à être devenu agriculteur.
« Moi j’aimais ça donc faut aussi s’affirmer quand on aime quelque chose. Il faut aller jusqu’au bout. Bon j’ai pris des chemins détournés mais j’y suis arrivé quand même à mes fins. Et comme j’aimais ça et que j’étais passionné par mon travail j’étais très bien vu par les agriculteurs. Moi j’ai jamais eu de problèmes d’adaptation, même si j’étais fils d’instituteur. »
Du cidre, Claude n’en a jamais fait qu’aux côtés de son grand-père, dont il a beaucoup appris. « Ici à la ferme mon grand-père en faisait et puis en retraite il continuait à en faire un peu, on faisait ça en commun tous les deux. Et puis plus il vieillissait moins il en faisait et plus j’en faisais. […] Y avait des anciens qui en faisaient mais y avait pas de cidrerie alors je me suis installé. »
Claude rappelle que dans les années 30, un cinquième environ des terres agricoles sur la commune de Fouesnant étaient couvertes de pommiers. La production cidricole était alors à son apogée. Elle est malgré tout peu à peu délaissée pour le vin. C’est probablement grâce à l’idée d’associer les crêpes et le cidre dans les années 50 que l’activité cidricole de la région ne s’est pas éteinte. Les crêperies constituent ainsi le principal fonds de commerce de Claude.
Dans les années 1940, les 30 ha de terres rattachés à l’exploitation sont une première fois divisés en trois entre les héritiers. Une seconde division survient dans les années 1968. Depuis, ces terres ont été revendues et sont aujourd’hui complètement urbanisées. Quand Claude s’installe, il n’a donc tout d’abord que 2 ha de vergers pour démarrer son activité. Au fil des ans, il acquière de nouvelles parcelles. Aujourd’hui l’exploitation comprend 10 ha de vergers, sur lesquels il cultive une vingtaine de variétés locales de pommes. Pour Claude, cette déperdition des terrains agricoles n’est pas nouvelle. Elle s’explique principalement par l’attrait touristique de Beg Meil, qui déjà au début du 20ème siècle était devenu une destination de vacances de prédilection. « Y a eu un désintérêt total de l’agriculture ici dans le secteur de Beg Meil en tout cas. » Les fermes investissent dans le tourisme, élargissant leur activité agricole à celle de l’hébergement, que ce soit par la rénovation de bâtiments en gîtes ruraux ou la construction de campings à la ferme. « Les communes côtières sont restées beaucoup en retard par rapport aux évolutions de l’agriculture. En retard dans le sens de la mécanisation, dans le sens du développement des troupeaux et tout ça. »
Le nombre d’agriculteurs n’a cessé de décroitre à partir des années 60. Aujourd’hui, la plupart des parcelles sont entretenues par des particuliers possédant un micro-élevage, ou cultivées par des agriculteurs dont le siège d’exploitation n’est pas directement localisé à Fouesnant. Le nombre d’installations n’a quant à lui guère permis d’équilibrer les départs en retraite de la dernière génération.
Autre trait caractéristique, la zone côtière autour de Fouesnant a été très peu touchée par le processus de remembrement qui s’intensifie à partir des années 60. Ceci explique que la plupart des parcelles en bordure de mer soient encore relativement petites, et se retrouvent par conséquent inadaptées aux techniques culturales modernes. Un grand nombre de ces terres restent par conséquent inexploitées, et deviennent en quelques années de véritables friches envahies par les ronciers, et sur lesquelles poussent de jeunes arbres.
Dès son installation, Claude a également constitué un micro-élevage, qui se compose notamment de quatre chevaux de trait utilisés pour des promenades en carriole. Six vaches allaitantes permettent également d’entretenir les prairies aux abords de l’exploitation. Les veaux sont revendus en caissettes.
Depuis cinq ans Claude est à la retraite. Il continue d’assister ses enfants qui ont repris l’exploitation, et prolongent ainsi cette aventure familiale.
Les bruits du pressoir à jus s’échappent du hangar adossé à la boutique où nous discutons, dans l’odeur sucrée des pommes.