Route du Lendu, Quimper. La ferme est cachée par les talus, dans un paysage bocager, à l’écart des dernières zones d’activité qui bordent Quimper. Nous avons la chance d’y rencontrer Alain Le Bellac entre deux réunions et le travail sur la ferme qui l’attend. Alain Le Bellac a fait ses études à l’ENSA (l’Ecole Nationale Supérieure Agronomique) de Rennes, à l’issue desquelles il obtient un diplôme d’ingénieur. Il décide alors de rejoindre ses parents en GAEC sur l’exploitation familiale. Il s’installe ainsi en 1982. La structure produit à ce moment-là du lait et du porc. Suite au départ en retraite de ses parents entre 86 et 88, Alain le Bellac décide d’arrêter la production porcine pour se consacrer exclusivement à la production laitière. Il remplace le troupeau de vaches Frisonnes de ses parents par des Normandes. Le choix de cette race lui permet de produire à la fois du lait, mais aussi de la viande. Son cheptel compte ainsi 50 vaches laitières et une quinzaine de bœufs.
En 2000, il fonde un groupement d’employeurs avec deux autres exploitations. Ils emploient un salarié qui travaille à la fois sur les trois exploitations, suivant un calendrier établi d’un commun accord à l’avance. Ce dernier le remplace quand ses responsabilités l’appellent à l’extérieur. En effet, outre son activité sur la ferme, Alain Le Bellac cumule les responsabilités à l’extérieur. « […] le fait d’avoir des responsabilités ça nous donne une ouverture, ça permet de nous libérer un peu. […] t’as appris des choses, t’as vu des personnes autres que le milieu agricole. Ben moi je trouve que ça fait du bien. »
Tout d’abord, Alain le Bellac est assesseur au tribunal paritaire des baux ruraux. Il est également membre du conseil d’administration de la FNSEA et du comité VIVEA en charge de la formation des agriculteurs au niveau départemental. Il est ensuite secrétaire général de la section des fermiers au niveau départemental, Président de la section des fermiers au niveau régional et membre du bureau national de la section des fermiers. Il siège également en tant qu’élu FDSEA (la branche départementale de la FNSEA) au sein de la chambre d’agriculture du Finistère. Il y est en charge du dossier sur les zones humides. Ce dossier a pour but de réfléchir et de proposer des solutions concernant l’entretien et la gestion des zones humides, notamment au niveau de la qualité de l’eau et de la biodiversité. Il est lui-même directement concerné par le sujet, étant donné qu’une quinzaine d’hectares environ de ses terrains se situent sur ces fameuses zones humides. Les vaches ne peuvent y pâturer qu’aux mois secs de l’été. Beaucoup d’agriculteurs laissent ainsi partir en friche ces parcelles, dont l’entretien nécessite du temps. Pour Alain le Bellac, l’enjeu est double : réussir à valoriser ces terrains à travers l’élevage, tout en permettant à l’agriculteur de s’y retrouver financièrement.
Il participe enfin en tant que représentant des fermiers (c’est-à-dire des agriculteurs locataires de leurs terres) à la commission de structure présidée par la DDTM (la Direction Départementale des Territoires et de la Mer). Cette commission a pour principale mission d’attribuer les terres vacantes aux agriculteurs intéressés pour les louer. Alain le Bellac m’explique en rigolant : « C’est peut-être une des commissions je crois les plus difficiles à gérer. Pour mettre du bordel dans une commune il suffit qu’il y ait une exploitation qui se libère et que les gens soient tous concurrents là-dessus. Et là ça va te mettre du bordel dans une commune, ça va te mettre du bordel dans une CUMA par exemple, des gens qui travaillent ensemble et qui ont tous envie d’avoir le terrain. Et ben je peux te dire que c’est compliqué. […] Les agriculteurs sont attachés au foncier c’est dingue. »
Lorsque nous évoquons le sujet de l’agriculture en zone littorale, Alain Le Bellac constate la disparition de l’élevage en bord de mer, au profit d’une « végétalisation » de cette même zone, ce dont il s’inquiète. Les cultures de céréales se sont multipliées ces dernières années, quand bien même les conditions pédoclimatiques (c’est-à-dire les caractéristiques du sol et du climat) ne soient pas idéales localement. Cette évolution, Alain Le Bellac l’explique entre autres choses par les difficultés que rencontrent les agriculteurs dans la filière lait. D’autre part, certains propriétaires préfèrent louer leurs parcelles à des entrepreneurs de travaux agricoles qui vont cultiver des céréales, contournant ainsi les contraintes que peut impliquer la signature d’un bail rural. A travers ses explications et le récit de son expérience, Alain Le Bellac nous donne un aperçu de la dimension juridico-administrative qui entoure la propriété rurale.