Hervé et moi sommes plongés depuis quelques jours dans ce que nous appelons volontiers entre nous le « projet patate » : il s’agit d’une recherche sur l’histoire de la culture des plants de pommes de terre dans le bassin de Châteaulin (une région agricole qui comprend les communes du Porzay). C’est dans ce cadre que nous avons rencontré successivement deux historiens locaux, Luc Prijac, de Saint-Nic, et Pierre Grall, de Dinéault : avec ce dernier, nous avons notre première longue interview enregistrée en qualité radio. Et aussi, beaucoup de matière à penser…
La culture de la pomme de terre de semence émerge dans les années 1920, à l’initiative d’un professeur de l’école d’agronomie de Rennes qui juge les conditions climatiques locales très favorables : la forte ventilation par les vents d’Ouest et le climat très tempéré lui font notamment espérer une moindre exposition aux diverses maladies ainsi qu’aux chocs thermiques qui affectent cette culture fragile.
Mais l’extension rapide de cette culture sur le territoire nous amène vers d’autres dimensions, plus sociologiques, des transformations agricoles : l’implication des élites locales et le rôle des réseaux familiaux, l’encadrement des pratiques culturales, l’accès à des ressources financières inespérées et l’évolution profonde des aspirations et des modèles de production qui accompagnent cette « manne »…sans doute à l’origine d’une culture agricole locale tournée vers la performance et l’excellence agricole, qui est aujourd’hui encore très souvent évoquée par les personnes que j’interroge!
Les données récoltées par Pierre Grall permettent de prendre la mesure de ce bouleversement : le « syndicat de Saint-Nic » compte à sa création en 1926 83 membres. Ils sont 2684 en 1948. Plus de la moitié des exploitations du bassin pratiquent cette culture au milieu des années 1960 (source : archives du syndicat).
De cet « âge d’or », il reste aujourd’hui quelques traces dans le patrimoine bâti, de moins en moins dans les mémoires : car, dès la fin des années 1960, le nombre d’hectares cultivés chute drastiquement, de même que celui des adhérents du syndicat. Ils sont 6 aujourd’hui. La fin de la culture de la pomme de terre de semence coïncide localement avec de nombreux bouleversements : l’engagement résolu de nombreux cultivateurs et des communes dans la mécanisation et le remembrement, une raréfaction de la main d’oeuvre, une forte variabilité des prix de vente, le développement du crédit…
Notre enquête nous emmène vers les descendants des acteurs de cette dynamique et vers les quelques agriculteurs qui pratiquent encore cette culture. A suivre, donc!
Pour en savoir plus et en attendant les émissions, rendez-vous sur le cloud où nous entreposons les données collectées!