Les données ethnographiques : des données hétérogènes
L’ethnographie est une méthode de recherche descriptive et analytique « intensive » qui privilégie l’immersion, l’observation, la description fine du terrain et la production de données essentiellement qualitatives. Cette méthode ne constitue pas l’unique mode de production des données en ethnologie mais demeure essentielle et dominante dans la discipline.
Ces données sont produites par l’ethnographe. Pour rendre compte de ce qu’il voit, entend, sent, goûte et touche dans le cadre d’une recherche, il produit des données très hétérogènes qui lui permettent de rendre analysables les « morceaux de réel » qu’il choisit de collecter (Olivier de Sardan, 1995).
On peut distinguer trois types de données :
- les données sonores
- les données textuelles
- et les données iconographiques
On peut y ajouter les données audiovisuelles, qui combinent les caractéristiques des données sonores et iconographiques, et la collecte d’objets tenant une place particulière dans le quotidien des personnes auprès desquelles l’ethnographe évolue (affiches, outils, instruments de musique, équipements de travail, plantes médicinales…)
« L’enquête de type anthropologique se veut au plus près des situations naturelles des sujets – vie quotidienne, conversations –, dans une situation d’interaction prolongée entre le chercheur en personne et les populations locales, afin de produire des connaissances in situ, contextualisées, transversales, visant à rendre compte du « point de vue de l’acteur », des représentations ordinaires, des pratiques usuelles et de leurs significations autochtones. » (Olivier de Sardan, 1995)
Les données sonores
- Entretiens enregistrés
Les entretiens constituent la source centrale d’une enquête ethnographique. Ils visent à recueillir les perceptions, les connaissances, les souvenirs de personnes pouvant participer à répondre à une question de recherche. Les entretiens peuvent être enregistrés ou non. S’ils ne le sont pas, l’ethnohgraphe peut prendre des notes au cours de l’échange, ou mémoriser l’interaction, puis la restituer a posteriori par écrit.
Le fait d’enregistrer les entretiens permet de ne pas s’approprier le sens du discours de la personne, en le synthétisant ou en le traduisant. De plus, cela permet de capter l’ambiance sonore : présence ou non d’animaux, proximité avec une église, passage de personnes dans la pièce, pendule, télévision… La retranscription d’un entretien enregistré facilite l’analyse de ce qui s’est déroulé lors de l’échange.
- Sonothèque
Produite et/ou rassemblée par le chercheur, elle comporte des données sonores issues du terrain : bruit d’une machine agricole, ambiance lors d’un repas festif, meuglement, chants, le bruit de la campagne…
Les données textuelles
- Retranscriptions d’entretiens : la matière première de l’ethnographie
Les retranscriptions d’entretiens sont la transformation de données sonores en données textuelles.
Les retranscriptions facilitent l’analyse transversale de plusieurs discours. Soit par imprégnation et comparaison par thématiques, soit par le biais d’une analyse quantitative (analyse de l’ensemble du corpus des entretiens par le biais de logiciels d’analyse textuelle).
- Importance des métadonnées
Un entretien doit toujours être considéré dans son contexte : le sens des mots de A n’est pas nécessairement le même que celui de B, si A et B n’ont pas le même métier, le même statut, etc. De la même manière, il est important de considérer que ce que dit A à un certain moment pourra être différent à un moment ultérieur (événements marquants, personnes présentes lors de l’entret
ien, relation de confiance avec l’ethnographe…). C’est pourquoi les retranscriptions sont additionnées de données contextuelles recueillies mentalement ou par écrit par l’enquêteur lors de l’entretien : lieu et date de la rencontre, nombre et identité de(s) la personne(s) rencontrée(s), configuration des lieux, étapes lors de l’échange, propos échangés en dehors de l’enregistrement…
- Carnet de terrain : la mise en récit de ce qui est perçu et vécu lors des situations d’enquête.
Il peut prendre plusieurs formes : celle de notes manuscrites, de fichiers de traitement de texte, ou d’un site internet. Dans un carnet de terrain, sont consignés des éléments tels que la date, le lieu, le contexte dans lequel est écrit le billet. Il peut contenir les observations, les questionnements, les doutes ou les analyses intermédiaires du chercheur au cours des temps d’enquête. Les formes d’expression peuvent aller de l’écriture au schéma, au dessin ou photographies. Cela permet de garder une trace du cheminement du chercheur, aussi bien dans son imprégnation sur le terrain, que dans ses propres réflexions vis-à-vis de ce terrain. Autrement dit, le carnet de terrain est la mémoire de « « morceaux de réel » tels qu’ils ont été sélectionnés et perçus par le chercheur » sur le terrain, et des cheminements du chercheur au fur et à mesure qu’il se confronte à ces « morceaux de réel ».
Ni journal intime, ni cahier d’explorateur, il permet de transformer en données ultérieurement traitables ce que le chercheur ne peut capter autrement qu’à travers ses sens : communication nonverbale, conversations non enregistrées, organisation de l’espace, ambiance…
- Autres données textuelles : la prise en compte des traces écrites, ou « littérature grise »
L’ethnographe collecte également les archives, des contenus issus de la presse écrite, des carnets écrits par des personnes rencontrées au cours de l’enquête, etc. Il aliment également so enquête par des contenus de blogs et de sites internet.
Les données iconographiques
- Photographies : les images au-delà des mots
Les photographies sont aussi bien celles prises par l’enquêteur que celles collectées au cours de l’enquête auprès des personnes rencontrées. Les métadonnées (date, lieu et auteur) permettent de les resituer dans leur contexte. Les photographies peuvent rendre compte de la configuration de lieux, des acteurs présents lors d’un événement particulier, de leur environnement de travail et de vie.
Elles peuvent être confiées à l’enquêteur comme trace du passé.
Bibliographie
Olivier de Sardan JP, « La politique du terrain », Enquête [En ligne], 1 | 1995, mis en ligne le 10 juillet 2013, consulté le 11 février 2017. URL : http://enquete.revues.org/263
Les images sont dotées d’un lien hypertexte, les liant à leur source.